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Us, Jordan Peele (2019)



Dans les années 80, la jeune Adelaïde Thomas est à la fête foraine avec son père et sa mère pour son anniversaire. Alors que son père est censé la surveiller et par manque de vigilance, il ne voit pas la petite fille s’éloigner vers la plage de Santa Cruz. Sur cette plage elle est attirée par une sorte de Fun house (creepy à souhait) dans laquelle elle pénètre. Dedans, elle se perd dans une galerie des glaces. Elle se retrouve alors face à l’incarnation de son reflet, son double, de chair et d’os qui lui sourit. A ce moment on ne sait pas si la petite fille a tout imaginé ou déformé avec la peur, l’imagination etc. En tous cas, lorsque la petite fille est retrouvée (15 minutes plus tard, not that long to be honest), elle n‘est plus la même. Elle ne parle plus et semble être traumatisée. De nombreuses années plus tard on retrouve Adelaïde et son mari Gabe Wilson qui se rendent dans leur maison de vacance, proche de Santa Cruz, avec leurs deux enfants, afin d’y retrouver leurs amis, la famille Tyler. Là le séjour prend une tournure inattendue et de nombreuses coïncidences visuelles rendent l’atmosphère lourde. Leurs vacances basculent du paradis à l’enfer lorsqu’ils se retrouvent face à une bande d’inconnus effrayant qui s’avèrent être leurs doubles.



Voila le synopsis de Us (2019), le nouveau et second film -en tant que réalisateur- de Jordan Peele. Rappelons-le pour le plaisir, il a reçu l’oscar du meilleur scénario original pour son premier film Get Out en 2017. Il semblerait que Jordan Peele a trouvé son genre et ça fonctionne plutôt très bien. En effet et sans nous étendre inutilement sur Get Out, Us et ce dernier semblent partager un genre hybride entre l’horreur et le thriller.

Pour passer les banalités de base, le casting est tout à fait épatant. C’est le premier rôle principal dans un film attribué à Lupita Nyong’o qui porte le long métrage. Le reste du casting n’est cependant pas en reste, Winston Duke dans le rôle du mari, Elisabeth Moss dans le rôle de la basic white housewife, et les enfants interprétés par Shahadi Wright-Joseph et Evan Alex. Tous jouent deux rôles et deux personnalités très différentes, ce qui à du être un challenge à diriger pour le réalisateur mais aussi un formidable exercice pour les acteurs qui s’en chargent avec brio.



Passons à l’objet filmique en lui-même. Il prend un peu la construction d’un film de zombies avec un cadre familier, reconnaissable et somme toute « normal » qui se fait envahir par des éléments effrayants, inconnus, inexplicables qui pullulent et remplissent de plus en plus l’espace de la diégèse. Dans ce film le set, le décor général, est très léger. Ça fleure bon les vacances, la plage et le soleil. Et c’est en cela que c’est d’autant plus effrayant, un peu à la manière d’un Black Mirror, plus le décor et les éléments semblent proche de nous et plus ça devient effrayant car ça pourrait se passer, ça pourrait arriver hypothétiquement. Là le film pousse cette notion de familier à son extrême puisque la menace c’est littéralement les personnages eux même, un duplicata, un reflet de leur personne. L’autre c’est nous. Dans cette atmosphère idyllique du début et aussi tout le long du film, ce qui joue et qui est prépondérant c’est évidemment le son et la musique. Comme le dit le réalisateur lui-même, c’est le point de bascule, c’est ce qui différencie une comédie d’un film d’horreur. En soi ce sont des instrus plutôt hype avec une touche de bizarre et d’inconfortable (comme le film, un décor familier, avec des touches d’effrois). La musique créer le mood et conditionne nos conditions de perception.



Pour moi, ce film expose nos instincts primitifs, il met en avant la bataille entre le ça, le moi et le surmoi. Entre l’apparente surface superficielle et l’intériorité sombre et cachée. Les autres dans le film (les doubles) font écho aux aspects les plus profonds et les plus commun à tous, enfouit en nous-mêmes. Ce sont ces aspects qui nous rendent Humains, au sens général et pas au sens plein de bons sentiments du terme. C’est profondément humain la violence, la haine et la colère, la preuve est l’Histoire commune de l’humanité. Et dans une hypocrisie généralisée ce sont des traits que l’on ne veut pas accepter comme étant communs et caractéristiques des Hommes. La chaîne qui traverse l’Amérique. Cette chaîne rouge. C’est celle de la violence et de l’oppression, de la rébellion et de la complexité, des génocides coloniaux (celui des indiens d’Amérique aux US #UslefilmMethaphoreDesUSLaTheorieEstRecevable), de l’esclavage, du racisme et de la xénophobie.



Le film exploite bien l’idée du coté sombre car ce n’est pas simple et plat. Le personnage de Red (le double de Adelaïde) raconte, la douleur dans les tripes, la vie qu’elle a dû mener jusque-là et ses motivations. Elle n’est pas sans but, elle n’est pas désorganisée, ce n’est donc pas que l’incarnation du Ça freudien. C’est elle aussi un être composite, conditionné par la haine, dévoré par sa souffrance et qui ne voit pas d’autre solution que d’anéantir la source de son mal-être. Nous ne sommes pas tout blanc ou tout rouge. A un moment des couleurs ressortent, celles que l’on ne soupçonnait pas, celles qu’on ne soupçonnait plus. Comme la métaphore visuelle de cela, l’habit blanc d’Adelaïde devient rouge de sang au court du film, au fil des morts. On s’abandonne vite à la violence, la fille d’Adelaïde par exemple, s’accoutume très vite au fracassage de crâne. Et même il y a une scène assez drôle et surréaliste lorsque la famille se dispute pour savoir qui va conduire et qu’ils se mettent à comparer le nombre de personnes qu’ils ont tué. Au passage le film ne se refuse pas des moments de souffle et de rire. Ce ne sont pas des choses écrites pour « déclencher » le rire, mais la tension est tellement bien construite que nous sommes d’un coup beaucoup plus sujet au rire et à décompression. Well done !



Les privilèges sont à mes yeux un des autres grands thèmes du film. D’un côté nous avons ceux qui ont la chance de naitre dans la lumière et de l’autre ce qui naisse dans l’ombre, sans rien ou avec peu. Et qui doivent se battre deux fois plus pour obtenir ce que certain ont simplement reçu (cf. : White privilèges, racisme, discrimination, sexismes et toutes autres inégalités sociales...)



Le film joue avec le point de vue et avec notre incontrôlable envie de prendre parti, d’avoir un avis sur tout, il joue sur « l’autre côté ». Surtout à la fin (je n’en dis pas plus découvrez par vous-même viiiite !). La question que l’on se pose en sous-texte c’est : Si nous avions suivi l’histoire de l’autre côté, aurions-nous espéré la même finalité, aurions-nous soutenu le même coté ? Qui sont les victimes ? L’Histoire ce n’est pas qu’une question de point de vu, mais tout est dans l’effort que l’on met pour la comprendre et pour en sortir non pas meilleur mais moins pire. Cela fait écho aux notions de consensus (contre la vérité) et à l’apparence (contre la réalité), qui sont des dualités très présentes tout au long du film.



Le film met à mon sens en avant la peur des autres, car les autres êtres humains sont le miroir soit de ce nous sommes, soit de ce que nous aurions pu devenir. La peur de nous-même. Humain. La seule personne qui nous suit toute notre vie c’est nous même. On se contrôle par peur de voir nos instincts et notre noirceur transparaitre. Dans un point de vu plus général on dirait un peu lorsque l’on tend l’oreille que l’on peut entendre un « ne nous en prenons qu’a nous-même » (CF ; guerres, haine, destruction de l’environnement, horreurs etc.). Pour reprendre (dans le plus grand des cliché) Sartre "Alors c’est ça l’enfer. Je n’aurais jamais cru… Vous vous rappelez : le soufre, le bûcher, le gril…Ah ! Quelle plaisanterie. Pas besoin de gril : l’enfer c’est les autres. » Autrui voilà ce qui nous empêche de laisser nos bas instincts se libérer, c’est notre garde-fou, on compose avec autrui, on dépend d’autrui, on vit avec autrui. Alors oui l’enfer c’est les autres mais les autres sont aussi ce qui nous permet de garder une certaine mesure, un certain équilibre.



J’en aurais encore beaucoup à dire mais je vais vous laissez découvrir ce film, qui m’a tenu en haleine tout le long et qui est très très riche. Allez le voir en salle pendant qu’il en est encore temps mes biches.


Cindy.

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